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Les mots d'Alexandre Tchemintov

17 septembre 2020

Danser

Danser, seulement pour danser, se sentir être un corps et n’être que cela, ne plus sentir la séparation, le chiasme, le chaos et les douleurs mais danser. Puisque danser c’est être, c’est sentir que Dieu n’a jamais rien vu et que seul avec soi nous sommes tout. L’univers est dans nos bras, nos jambes, au creux des reins et dans le ventre. Danser, c’est accomplir l’acte le plus fort de toute solitude, se faire bercer par soi, l’onanisme sans sexe, juste le corps entier. Entrer en transe, oublier dans un mouvement que l’on est, ne pas se voir, juste se sentir. Sentir le mouvement intérieur de son être, sentir la mise en branle du ventre. Comme des cordes qui fusionnent au paquetage, se sentir amoureux, de l’amour sans objet, le corps sensuel, sensualisé. Quand la danse est là, il ne peut plus y avoir d’esprit, on ne pense plus, on laisse faire, on se déploie comme si nous redevenions l’animalcule dans le ventre de notre mère. Danser pour crier son athéisme : point besoin de savoir si le monde est réel ou illusion, si la terre se sépare en deux, ou si les cieux sont occupés. Quand je danse, la mort n’est pas, je l’ai battue, car je suis enfin vivant, tellement vivant, plus que surhomme, je suis sur-vivant, à jamais là, instant d’un éternel retour. Répéter le geste. Oublier la raideur des hanches, oublier le dos qui fait souffrir de trop d’étude : être et aimer : danser.

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25 mars 2020

De la mort qui nous tend les bras.

"Philosopher c'est apprendre à mourir." Platon est un con. C'est rapide et c'est vrai, philosopher c'est se donner les yeux pour saisir l'absurdité, la contradiction, c'est essayer de penser au delà du simple. Je le dis : la simplicité n'est pas beauté, quand elle s'attaque à l'esprit, elle devient le repaire de la bêtise.

La mort nous tend les bras et il faut pour la déjouer du courage et de la force. Je n'ai pas d'âme et n'en aurai jamais, nul partie de moi ne saurait se détacher pour atteindre en voletant les vérités intelligibles, les cieux, le paradis et je ne sais quel espace hors du temps ou de temps hors de l'espace, ce lieu qui serait le non-lieu-de-l'être ou je ne sais quelle foutaise. Non, il faut lutter et vous le savez, vous, qui êtes là, frissonnant d'horreur et prostré dans votre salon à vingt trois heures quand les enfants sont couchés et qui n'osez penser à ce petit chat dans la gorge qui se nommerait corona. Vous le savez bien qu'il faut se battre quand vous expliquez que sans manger, on meurt et c'est bien pour cela que vous développer une agressivité toute particulière devant le dernier paquet de pâtes sur le rayon d'un Inter. Vous savez bien que mourrir n'a rien de plaisant, inutile de lire Céline, vous le sentez à l'intérieur de vous quand votre coeur est prêt à s'arracher de votre poitrine pour fuir le brigant qui pourrait vous blesser au coin de la rue. Vous savez bien que votre coeur peut vous trahir quand vous courrez des heures durant, pour le forcer à savoir vivre et battre au bon rythme, ce coeur là. Alors quoi, vous ne saviez pas qu'il fallait peut-être des lits, des masques, du gel quand cette foutue pandémie est arrivée. Quoi et maintenant vous nous mentez, encore, ne cesserez-vous jamais! Nous perdons des médecins, des soignants, des soignants! Nos médecins. Comment ne pas avoir envie de pleurer quand vous regardez votre vieux médecin de famille ausculter votre fils qui tousse avec un petit masque, quand il vous confie qu'on lui a voler son dernier pot de gel, quand il n'a que trois masques pour une journée de 11h de travail. On pleure et on jure de rage devant votre infamie! Comment pouvez-vous vous gargariser de posséder les grandes fortunes? Comment? Bandes d'escrocs et de voleurs! On ne vous râtera pas quand tout cela sera fini, on se souviendra des médecins morts, de nos mères mortes. On se souviendra de votre incapacité à la cohérence, à la détermination victorieuse, pour la vie, pour la vie! Votre incompétence et votre bêtise font de vous des meutriers. La philosophie n'est pas là pour donner une échappée mais bien pour la critique, pour vous regarder avec des yeux d'aigle et voir la stupidité et la contradiction, le manque de cohérence de vos propos. La mort vous tend les bras... 

21 février 2020

la langue de chez nous

Il faudra bien parler de la langue, du langage comme de quelque chose que vous, écrivain, vous avez perdu. Je pense, moi, à tous les désœuvrés de la langue, à ceux qui parlent mal, parce que parler bien, on ne sait plus, on n’a jamais su. Je pense à la langue chargé de Sartre parce qu’un mot veut en dire dix, je pense à la langue chargé de mon père pour qui un mot sert à dire dix choses. Quelle différence ? Il faudra bien qu’on en parle, et sans langue de bois de cette langue qui dé-sert le langage dans sa fonction la plus pure, celle de dire. Il va falloir messieurs mais mesdames aussi qu’on se renvoie à nous-même comme au chantre de la méchanceté. Il va falloir se les dire ces méchancetés. Penses-tu que celui, celle, qui a cent mots ne sent ni la faim, ni la soif, ni la morsure de l’humiliation de celui ou celle qui a mille mots mais qui ne sait plus jouer de son regard ni de sa bouche ? Il va falloir se le dire qu’on ne s’entend pas, sinon par périphrases, que l’on ne peut plus se dire sans se maudire, que l’on ne peut se regarder sans étouffer. La guerre des mondes est à son commencement. Ne pourfendez pas, s’il vous plaît, ces anglicismes charmants, du fuck au please. Ne sauvez personne d’une ignorance de vous-même. Je préfère entendre les mal dits et les mauvais dires, je préfère entendre et lire les fautes et les fautes, les mots qui se prennent pour des autres, les phrases qui s’arrêtent, pour ne reprendre que plus loin et de très loin. Je préfère cela au silence obscur des repas pesants entre gens qui de bien ne disent plus rien. Je préfère que tu parles de toi que de ta bonniche, je préfère que tu te fasses servante de ton propre risque et de tes désirs. Je préfère vous voir nus et vomissant une logorrhée Je préfère le son, le verbe, la trace que le silence qui ne sent plus rien , qui ne respire plus, qui n’est que mort, solitude et désert de la pensée.

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