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Les mots d'Alexandre Tchemintov
21 février 2020

la langue de chez nous

Il faudra bien parler de la langue, du langage comme de quelque chose que vous, écrivain, vous avez perdu. Je pense, moi, à tous les désœuvrés de la langue, à ceux qui parlent mal, parce que parler bien, on ne sait plus, on n’a jamais su. Je pense à la langue chargé de Sartre parce qu’un mot veut en dire dix, je pense à la langue chargé de mon père pour qui un mot sert à dire dix choses. Quelle différence ? Il faudra bien qu’on en parle, et sans langue de bois de cette langue qui dé-sert le langage dans sa fonction la plus pure, celle de dire. Il va falloir messieurs mais mesdames aussi qu’on se renvoie à nous-même comme au chantre de la méchanceté. Il va falloir se les dire ces méchancetés. Penses-tu que celui, celle, qui a cent mots ne sent ni la faim, ni la soif, ni la morsure de l’humiliation de celui ou celle qui a mille mots mais qui ne sait plus jouer de son regard ni de sa bouche ? Il va falloir se le dire qu’on ne s’entend pas, sinon par périphrases, que l’on ne peut plus se dire sans se maudire, que l’on ne peut se regarder sans étouffer. La guerre des mondes est à son commencement. Ne pourfendez pas, s’il vous plaît, ces anglicismes charmants, du fuck au please. Ne sauvez personne d’une ignorance de vous-même. Je préfère entendre les mal dits et les mauvais dires, je préfère entendre et lire les fautes et les fautes, les mots qui se prennent pour des autres, les phrases qui s’arrêtent, pour ne reprendre que plus loin et de très loin. Je préfère cela au silence obscur des repas pesants entre gens qui de bien ne disent plus rien. Je préfère que tu parles de toi que de ta bonniche, je préfère que tu te fasses servante de ton propre risque et de tes désirs. Je préfère vous voir nus et vomissant une logorrhée Je préfère le son, le verbe, la trace que le silence qui ne sent plus rien , qui ne respire plus, qui n’est que mort, solitude et désert de la pensée.

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